LES RECHERCHES |
Les appels de détresse émis par le Maori, dont l’indicatif d’appel était FNDF, ont été captés par les stations irlandaises Valentia Radio et Malin Head Radio, respectivement distantes de 350 et 610 miles du lieu du naufrage. Ces messages brouillés par des parasites atmosphériques ont été entendus très faiblement (1 sur 5), faisant croire aux opérateurs irlandais que les émissions provenaient d’une embarcation de sauvetage. La durée de la communication graphique établie entre le navire et les stations radio côtières sera très brève. A 04h17 GMT, Valentia Radio entend faiblement les signaux d’alarme automatique sur 500 kHz, suivi du message « SOS F ». L’opérateur réagit immédiatement en demandant à la station émettrice de donner son identité. Une minute plus tard, Malin Head Radio transmet à Valentia Radio un message qu’il vient de capter « FNDF PSN 46:5 N 12 W ». A 04h19 GMT, Valentia radio reçoit le message « SOS FNDF 46.5 12 W NEED IMMEDIATE ASSISTANCE » auquel il est immédiatement accusé réception ( position sur carte ). L’absence de message en provenance du Maori après 04h20 GMT incite à penser que les antennes se sont alors trouvées hors d’usage en raison de la gîte du navire, près de 50 degrés selon le témoignage de Jean Yves Duclaud, ou que l’officier radio s’est décidé à abandonner son poste après avoir obtenu la confirmation de la réception de ses deux appels de détresse. A 04h30 GMT, la station radio du Conquet était alertée par Valentia radio de la teneur du dernier message reçu du Maori. Cette information allait être immédiatement transmise au CROSSA d’Etel qui se chargea d’informer l’officier de permanence à la Préfecture Maritime de Brest. Continuant de diffuser régulièrement le message de détresse, la station radio du Conquet recevra en une heure les accusés de réception ainsi que les positions de 17 navires. Aucun ne se trouvait malheureusement à proximité immédiate du lieu du naufrage, le plus proche d’entre eux, le bananier allemand Vegesack, annonça pouvoir arriver sur zone vers 11h30 GMT. La mise en alerte de la base aéronavale de Lann-Bihoué à 05h12 GMT allait permettre le décollage du premier avion dans un délai maximum de deux heures. Ce délai d’alerte correspond au temps nécessaire pour la mise en route de l’appareil, le réveil de l’équipage, la mise en fonction des services au sol (services opération, pompiers, équipes de sécurité, etc.). Il permet également de compléter l’approvisionnement en carburant du plein d’alerte (60 %) de l’avion stationné lorsque des missions de longues durées sont envisagées. Cet impératif résulte des déformations dont souffrirait la structure de l’avion si un niveau de combustible complet était maintenu au-delà de 24 heures. Outre une usure prématurée de l’appareil, le maintien d’un plein complet interdirait les missions courtes, le train d’atterrissage de l’avion ne pouvant supporter un retour avec une telle charge. En décidant de faire décoller le Bréguet-Atlantic à 06h48 GMT sur son plein d’alerte, le délai nécessaire au départ de l’appareil sera écourté d’une demi-heure. Il est tout à fait probable que c’est ce qui a permis de sauver Jean Yves Duclaud. Une panne dans le dégivrage des hélices obligea le pilote à effectuer le transit de 400 miles à basse altitude, dépensant ainsi plus de carburant que prévu, et réduisant le temps de patrouille sur zone. L’avion est arrivé au point indiqué à 08h30 GMT, c’est à dire quatre heures après le naufrage, soit environ une heure trente après le début de l’aube. N’ayant pas trouvé trace du Maori, il a alors commencé une recherche sur zone en carré croissant avec dix kilomètres d’intervalle entre chaque branche. Au cours de la huitième branche de recherche, à 09h53 GMT et à 22 miles de la position signalée, il découvrait une large tache de mazout, de nombreux corps (13), puis par la suite deux survivants auxquels il larguait deux canots pneumatiques auto gonflables avant de dérouter le cargo allemand Vegesack qui se trouvait dans les parages. Le premier survivant observé à 11h08 GMT ne devait pas être revu, le canot de sauvetage lancé par l’avion sera d’ailleurs retrouvé vide par la frégate Duquesne. A 11h15 GMT, un autre survivant agrippé à une planche était découvert. Réunissant ses dernières forces, il parvint à se hisser dans le canot tombé à environ 150 mètres de lui. Lorsque le Vegesack atteignit sa position, il sauta à la mer et réussit à atteindre l’une des échelles de corde disposées le long du bord en profitant d’une lame plus haute que les autres. A 12h10 GMT, c’est à dire près de huit heures après avoir été réveillé par la gîte soudaine prise par le Maori, Jean Yves Duclaud était enfin hors de danger. Un terrible bilan. Au cours de cette patrouille, l’avion avait observé non seulement la zone du naufrage, mais encore un secteur jusqu’à 25 miles sous le vent, couvrant ainsi une position de dérive supérieure à celle estimée. Il a ainsi pu dresser immédiatement un état précis et complet des épaves provenant du Maori, une embarcation de sauvetage retournée fut notamment observée. En ce qui concerne le radeau de sauvetage de 25 places situé à bâbord sur la passerelle supérieure dont le largage fut effectué par l’un des officiers, il ne devait jamais être retrouvé. Il est d’ailleurs peu vraisemblable qu’il ait réellement pu être utilisé car le filin de retenue servant également à son déclenchement n’était pas assez long pour atteindre le niveau de l’eau à tribord. Sans doute se gonfla-t-il par la suite puisqu’il fut aperçu par Jean Yves Duclaud, la possibilité que des naufragés y aient pris place motiva d’ailleurs la prolongation des recherches. Malgré leur ampleur, les moyens de sauvetage mis en oeuvre ne permettront malheureusement pas de découvrir d'autres rescapés, seuls cinq corps sans vie seront retrouvés. Les opérations de secours seront suspendues au soir du 13 novembre après que l'on aie perdu tout espoir. Les raisons d’un bilan aussi lourd, trente huit morts, sont à rechercher dans la brièveté du naufrage, l’éloignement des secours, la défaillance ainsi que l’inadaptation des moyens d’abandon du Maori en cas de gîte importante. Dans une eau à une température de l’ordre de 10 à 15 degrés, une à deux heures suffisent à provoquer l’épuisement ou la perte de conscience des naufragés, et l’on estime entre une et six heures au maximum la période de leur survie. La plupart des hommes du Maori étaient donc vraisemblablement décédés lorsque la nouvelle du naufrage fut diffusée sur toutes les radios nationales sans que l’on se soit au préalable soucié de prévenir les familles. Un service religieux à la mémoire des disparus fut célébré à Paris en l’église de la Madeleine le mercredi 17 novembre en présence de Jean Yves Duclaud. |