ENQUÊTES ET RUMEURS |
Ce
terrible drame de la mer allait faire l’objet de plusieurs enquêtes
destinées à en déterminer les causes. Le naufrage ayant eut lieu
alors que le navire se rendait au Havre, c’est l’Administrateur en
chef du quartier maritime normand qui fut chargé du rapport d’enquête
officiel. Parallèlement, le Directeur Général des Messageries
Maritimes confia une mission d’enquête à l’un des inspecteurs de
navigation de la compagnie. Un second rapport d’enquête officiel réalisé
par l’Administration Centrale, et qualifié par son auteur de « rapport
critique », modère sensiblement les conclusions du rapport
d’enquête officiel mettant en cause la responsabilité de l’équipage
et considère avec beaucoup de vraisemblance l’hypothèse d’une voie
d’eau importante. Ce rapport reprendra à son compte de nombreuses observations faites à
l’occasion de l’enquête interne réalisée par les Messageries
Maritimes. Le
Tribunal de Commerce de Paris sera amené à se prononcer sur la
responsabilité des Messageries Maritimes invoquée par les chargeurs,
et les en déboutera par son jugement du 15 septembre 1975. Ce jugement
sera confirmé par décision de la Cour d'Appel de Paris le 29 novembre
1978. Frustrées
par l’absence de réponses aux questions essentielles et laissées
dans une totale ignorance, certaines des familles des victimes
intenteront à leur tour une action en justice en portant plainte contre
X. Le tribunal d’instance de Dunkerque, port d’attache du Maori,
fera connaître en décembre 1978 ses conclusions, ce sera le non-lieu.
La cour d’appel de Douai qui examinera le dossier en seconde lecture
confirmera ce non-lieu. Le 16 juillet 1980, la cour de cassation jugera
irrecevable la demande des familles mettant ainsi un terme à leur quête
de vérité. Trente
années après le drame, le nom du Maori évoque encore suspicions et
rumeurs. Il est une qui circula parmi les bords concernant le décès de
l’unique survivant dans un accident de la route quelques années
seulement après le naufrage. Une autre de ces rumeurs tenaces met en
cause un missile tiré depuis le plateau des Landes qui se serait perdu
et aurait coulé le Maori. Dans
son rapport d'enquête daté du 10 mars 1972, l'Administrateur en chef
des Affaires Maritimes du quartier du Havre retient un ensemble de six
hypothèses qui sont examinées à l'aide des éléments rassemblés.
Cette analyse devait permettre à son auteur de déterminer que
l’origine la plus probable du naufrage résidait dans la rupture de
l’un des panneaux en bois obturant les écoutilles des faux-ponts sur
lesquels avait chargé une partie de la cargaison de nickel. La
commission d'enquête fonde sa théorie sur une surcharge de certains de
ces panneaux, notamment ceux de la cale 2 et de la cale 4. En cédant,
la charge de l'un d'eux se serait alors déversée sur le panneau inférieur,
ce qui aurait entraîné sa rupture, et de proche en proche, le déversement
jusqu'au fond de la cale d'une partie de la cargaison. Après de longues
discussions et réflexions, écriront les commissaires enquêteurs, nous
avons acquis l'intime conviction que la plus probable des causes du
sinistre trouvait son origine dans la rupture d'un panneau de cale en
bois surchargé. Cette
hypothèse, mettant en cause la responsabilité des Messageries
Maritimes, bien que contredite par le rapport « critique »
daté du 15 mai 1973 rédigé par le Chef du Bureau de la Navigation
Maritime au Ministère des Transports, sera exploitée par les assureurs
de la cargaison qui virent là le moyen de faire condamner l'armateur
devant les tribunaux en invoquant la faute nautique et la faute
d'arrimage. Comme l’on peut le constater des différences d’appréciation très importantes séparent le point de vue de l’Administrateur des Affaires Maritimes du Havre de celui exprimé par les Messageries Maritimes. Il fait peu de doute que la divergence de ces opinions ne contribua pas à apaiser les familles des disparus.
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